La Chine et le silence sur le cinquième anniversaire du Covid : que reste-t-il de notre mémoire collective ?
L'ombre du Covid-19 plane toujours sur le monde, mais en Chine, le temps semble vouloir effacer les cicatrices. Le cinquième anniversaire de la première mort liée à la pandémie, survenue en janvier 2018, est passé presque inaperçu dans le pays où tout a commencé. Pourquoi ce silence ? Que révèle-t-il, non seulement sur la stratégie du gouvernement chinois, mais aussi sur notre rapport à la mémoire des crises ?
Une commémoration qui n’a pas eu lieu
Alors que l’on pourrait s’attendre à des hommages ou à des réflexions profondes cinq ans après cet événement tragique qui a bouleversé la planète, la Chine est restée silencieuse. Pas de cérémonie publique, pas de mise en lumière médiatique. Une certaine "discrétion" orchestrée par les autorités, qui ne surprend guère ceux qui observent l’approche chinoise des moments sensibles.
Cette absence de cérémonies contraste fortement avec la manière dont d’autres pays, et même des petites communautés locales, honorent les moments marquants d’une tragédie sanitaire. À titre d'exemple, dans certaines îles comme La Réunion, on sait combien la transmission des mémoires est précieuse, avec des récits familiaux ou commémorations cycloniques inscrits dans le patrimoine culturel. Dans le cas de la Chine, cette invisibilité ressemble à une volonté d’effacer un chapitre difficile, de tourner la page sans vraiment la lire.
Mais pourquoi voiler ce souvenir ? Les questions encore ouvertes sur les origines de la pandémie, ajoutées aux polémiques sur la gestion initiale à Wuhan, pourraient bien expliquer cette prudence. Dans un contexte où le récit officiel sur le Covid-19 est étroitement contrôlé, évoquer cet anniversaire, c’est réintroduire des débats que Pékin cherche à éviter.
Le poids du tabou et la stratégie du silence
En Chine, la pandémie reste un sujet brûlant, presque intouchable. Parler du Covid, c’est comme raviver des braises sur un feu qu’on voudrait éteindre à tout prix. Les discussions publiques sur les erreurs de gestion, la transparence des données ou même l’origine exacte du virus sont tout simplement muselées. Cette posture de discrétion n’a rien de hasardeux : elle vise à protéger une image de contrôle et de puissance, mais elle sacrifie la mémoire collective et le devoir de vérité.
L'attitude chinoise pourrait être comparée à un mur érigé après un séisme. Si, sur ce mur, aucune trace n’est laissée de la catastrophe, comment les générations futures pourront-elles comprendre ce qu’il s’est passé ? Nos îles, elles, savent la valeur des marques du passé : chaque séisme, cyclone ou vague est l’occasion de grandir, de tirer des leçons, de transmettre. Laissons-nous imaginer un moment si, après un cyclone Béjisa ou Fakir, personne n’avait osé en parler, effaçant volontairement les blessures pour éviter les critiques. Ce silence n'aurait-il pas semblé insupportable ?
La Chine, en choisissant de ne rien dire ou presque, prend le risque de priver sa population d’une réflexion collective. Si les commémorations ne réparent pas le passé, elles offrent une clé pour comprendre, pour avancer. Ne pas se souvenir, c’est aussi une forme d’oubli planifié, un oubli qui affaiblit notre humanité commune.
Une leçon pour le monde entier
Et nous, les Réunionnais, quelle leçon pouvons-nous tirer de ce mutisme orchestré à des milliers de kilomètres ? Peut-être celle de veiller à ne jamais perdre notre lien au passé, aussi douloureux soit-il. Le cinquième anniversaire de la pandémie pourrait être une opportunité universelle – pas seulement en Chine, mais partout – de revisiter ces années de bouleversement. S'il fut un temps où nous applaudissions les soignants à nos fenêtres, où nous découvrions l’importance des solidarités de quartier, qu’en reste-t-il aujourd’hui, cinq ans plus tard ?
En Chine, le silence témoigne d’un contrôle narratif rigoureux. Chez nous, il s’agit de garder vivantes les voix de ceux qui ont lutté, souffert, espéré. Et ces voix méritent d’être entendues, inscrites dans nos mémoires comme un héritage à protéger. Car une société qui choisit de minimiser ses grandes épreuves court le risque de reproduire ses erreurs, comme si l'oubli devenait un mécanisme d’autodéfense collectif.
En conclusion, tournons-nous vers cet événement non pas avec jugement, mais avec réflexion. Le monde entier partage cette histoire du Covid-19, et c'est à nous – citoyens, habitants d'îles ou de continents – de décider comment la transmettre. La Chine a fait un choix : celui du silence. Et nous, que choisirons-nous ?

