Quand l’image d’Huguette Bello est détournée : les arnaques en ligne prennent un nouveau visage
## Le piège qui se referme : fausse générosité, vraies victimes
Imaginez un matin ordinaire à Saint-Denis. Vous ouvrez votre téléphone, faites défiler Facebook ou Instagram, et tombez sur une vidéo étonnante. Huguette Bello, présidente de la Région Réunion, y expliquerait comment elle offre de l’argent à ceux qui en ont besoin. C’est dit avec conviction, dans un décor presque crédible, avec des légendes accrocheuses et même de « vrais » témoignages d’habitants. Vous cliquez, curieux… ou désespéré. En quelques instants, vous basculez de la curiosité à la manipulation.
Ces derniers mois, plusieurs fausses publicités comme celle-ci ont envahi internet. Derrière des visages connus et respectés se cache un système rodé, géré par des escrocs. Ils empruntent l’image de personnalités locales pour gagner notre confiance, puis nous incitent à cliquer, remplir un formulaire, ou pire, partager nos coordonnées bancaires. Cela commence par une vidéo, continue par une promesse… et se termine souvent par un compte vidé.
Le plus insidieux ? Ces montages sont parfois si bien faits qu’ils mettent en doute notre propre vigilance. Et il faut le dire : plus on est isolé, plus on est fragile face à ces filets numériques. Les jeunes hyperconnectés sont parfois plus sceptiques, mais nos aînés, ou ceux qui cherchent de l’aide dans une période difficile, deviennent les proies favorites de cette nouvelle chasse au clic.
L’illusion du merveilleux : pourquoi ça fonctionne si bien
Dans une île comme La Réunion, où la solidarité n’est pas qu’un mot mais un mode de vie, l'idée qu’une figure politique s'engage directement dans un geste de redistribution peut paraître… plausible. Après tout, on connaît tous quelqu’un qui a vu un élu agir dans son quartier, distribuer des bons alimentaires, soutenir une famille, débloquer des fonds pour une assocation.
C’est précisément en s’appuyant sur ces réalités que les escrocs forgent leur mensonge. Le message est simple, émotionnel, pressant : « J’ai bénéficié d’une aide de 3 000 €, grâce à Huguette Bello. Cliquez ici pour en profiter aussi. » Si 10 000 personnes voient l’annonce, et que seulement 3 % y croient, cela représente déjà 300 victimes potentielles. Et parmi elles, combien perdront leur argent, leur confiance, ou même leur dignité ?
L’une de mes lectrices, Brigitte, retraitée à La Possession, m’a confié avec gêne qu’elle avait renseigné ses coordonnées après avoir « entendu parler d’un fonds d’aide régional spécial ». En réalité, elle venait de fournir ses informations à un groupe basé à l’étranger. Heureusement, sa fille, vigilante, a bloqué ses cartes à temps. Mais tous n’ont pas cette chance.
On oublie trop souvent que les pirates modernes ont troqué leurs sabres contre des programmes d’intelligence artificielle et des logiciels de deepfake. Ils ne frappent pas des coffres-forts, ils exploitent ceux de notre esprit : nos espoirs, notre fatigue, notre quête de solutions rapides.
Réagir, se protéger… et protéger les autres
Alors, que peut-on faire face à cette déferlante de fake news et de faux sauveurs ? La première arme est la connaissance. Comprendre qu’Huguette Bello – ou toute autre personnalité publique – ne propose jamais d’argent directement via un site obscur ou une vidéo Facebook. Aucune institution régionale ne fonctionne ainsi. Jamais.
Lorsque vous voyez une promesse trop belle, demandez-vous : « Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? Où sont les preuves ? » Et surtout : vérifiez sur les sources officielles – site web de la Région, communiqués de presse, médias fiables. Parlez-en autour de vous, surtout aux personnes âgées ou isolées. Ce genre de prévention vaudra toujours mieux qu’un appel paniqué à la banque.
Les autorités font déjà leur part. La police nationale et la gendarmerie numérique de La Réunion travaillent à repérer et signaler les campagnes malveillantes. Mais leur efficacité dépend directement de notre vigilance collective. Moins les arnaques font de victimes, plus elles perdent de leur intérêt.
Je me souviens de cette époque où les escrocs appelaient nos maisons en disant : « Bonjour, c’est votre neveu, j’ai eu un accident… » Aujourd’hui, ils se cachent derrière des figures charismatiques pour manipuler les masses. Ce n’est plus une question d'intelligence, c’est une guerre de la lucidité.
Face à la montée des fraudes numériques qui se camouflent derrière des visages familiers comme celui d’Huguette Bello, nous devons cesser d’être naïfs. L’émotion ne peut plus guider notre clic. La désinformation ne recule que si chacun de nous devient un rempart : en partageant les alertes, en discutant avec nos proches, en refusant la facilité mensongère. Retrouvons le réflexe de douter, le besoin de vérifier, la volonté de protéger. Ce n’est pas juste une affaire de cybersécurité. C’est une question de respect, de courage, et de solidarité réunionnaise.
