Une victoire au goût de fierté
Dans le cirque verdoyant et escarpé de Salazie, là où le silence du matin est souvent troublé seulement par le chant discret des oiseaux ou le murmure des sentiers mouillés, un homme s'est levé plus tôt que d’habitude ce samedi-là. Il ne s'agissait pas d’un randonneur, mais d’un guerrier des pentes, l’un de ces coureurs des cimes à la fois discrets et résolus. Ce matin-là, Vincent Perrault a écrit une page de son histoire, et avec elle, un peu de celle du trail réunionnais.
Gagner chez soi, à Salazie, ce n’est pas seulement cocher une ligne de plus dans un palmarès. C’est courir aux côtés des souvenirs d’enfance, saluer du regard les mornes qu’on connaît par cœur, franchir les ravines comme on franchit les marches d’une maison familiale. C’est aussi sentir le souffle du soutien populaire accompagnant chaque foulée, chaque montée. Vincent Perrault ne s’est pas contenté de courir une course, il a offert au public une victoire du cœur, une preuve éclatante que le travail et l’enracinement donnent des ailes.
La Salazienne : un titre, un symbole
La Salazienne est bien plus qu’une simple étape dans le calendrier du trail à La Réunion. C’est un rendez-vous mythique, redouté pour son parcours technique, ses conditions météorologiques changeantes, et ses dénivelés qui mettent les jambes et le mental à l’épreuve. C’est une course qui ne pardonne ni les erreurs de rythme, ni les oublis d’humilité.
Et pourtant, Vincent Perrault a su dompter ce parcours exigeant avec une aisance impressionnante. Tel un caméléon épousant les formes de son environnement, il a tiré avantage de sa connaissance intime du terrain. Chaque virage, chaque caillou, chaque racine semblait lui parler. Il a su économiser ses forces à temps, poser ses appuis avec précision là où d'autres hésitaient, attaquer avec justesse au bon moment. Cela ne s’apprend ni dans les livres, ni sur internet : cela se vit, kilomètre après kilomètre.
Avec cette victoire, il décroche non seulement son premier titre de champion de La Réunion de trail long, mais il envoie aussi un message puissant à toute une génération de traileurs : l’excellence peut naître sur ses propres terres, dans l’humilité et la persévérance. Il n'a pas eu besoin d’aller chercher une grande épreuve au bout du monde pour briller ; il a fait rayonner Salazie, et avec elle, toute l'île.
Une allure de passage de témoin
Les exploits comme celui de Vincent ne sont jamais solitaires. Ils s’inscrivent dans une communauté, dans un tissu d'émotions communes, d’efforts partagés. À La Réunion, le trail n’est pas qu’un sport. C’est une tradition moderne, une manière d’explorer l’île, de la ressentir dans sa verticalité brute, et d’en comprendre toutes les subtilités.
Sa victoire, pour beaucoup, éveille des rêves : celui de défendre ses couleurs locales, de croire en sa propre voie malgré les obstacles. Car le trail, c’est aussi ça : une école de résilience. On tombe, on se relève, on recommence. Et dans ce combat souvent solitaire contre le chrono ou la douleur, on croise des regards, on entend des encouragements, on reçoit des sourires… Autant de petits gestes qui font d’une performance personnelle une célébration collective.
Vincent Perrault a sans doute inspiré, ce week-end, plus d’un jeune coureur hésitant. Peut-être qu’une graine a germé quelque part dans les Hauts, chez un lycéen qui hésite encore entre rester ou partir loin pour "réussir". Peut-être. Mais ce qui est certain, c’est que cette victoire prouve que l’on peut tracer son propre sommet là où les autres ne voient que des sentiers escarpés.
La victoire de Vincent Perrault à La Salazienne n’est pas simplement celle d’un coureur sur un parcours. C’est un message fort, une preuve que la détermination et l’attachement à ses racines peuvent mener à de grandes choses. Elle incarne un rêve à portée de baskets, une invitation à croire, à oser, à courir non pour fuir, mais pour construire. En franchissant la ligne d’arrivée, Vincent n’a pas seulement levé les bras : il a levé l’espoir.
