Le G7 face à ses contradictions : l’Ukraine comme révélateur des fractures occidentales

## Le retour de Trump bouscule l’équilibre diplomatique
Imaginez une grande table ovale, dans une pièce feutrée, entourée des dirigeants des sept plus grandes puissances économiques occidentales. À cette table, chacun sait que les regards du monde entier sont tournés vers eux. L’Ukraine est au cœur des préoccupations, une nation meurtrie, qui attend des engagements clairs et fermes. Mais cette année, quelque chose cloche.
L’arrivée de Donald Trump à nouveau dans le paysage politique international marque un tournant décisif. Alors que les autres dirigeants du G7 (France, Allemagne, Canada, Japon, Italie, Royaume-Uni) s’accordent pour afficher un front uni face à Moscou, les États-Unis, première puissance mondiale, font marche arrière. Donald Trump, fidèle à son approche nationaliste et transactionnelle des relations internationales, refuse d’endosser une déclaration trop virulente à l’égard du Kremlin. Pour lui, il ne s’agit pas de morale, mais de calculs d’intérêts.
C’est un peu comme si, face à un incendie ravageant la maison d’un voisin, six pompiers se précipitaient avec leurs lances, pendant qu’un septième – le plus puissant – observait la scène avec distance, estimant que les flammes ne l’atteignent pas directement. Cette posture freine toute tentative d’élan collectif, gelant dans l’œuf une solidarité pourtant vitale face à une crise prolongée.
Une alliance occidentale en perte de souffle
Ce sommet du G7, censé symboliser l’unité des démocraties face aux bouleversements géopolitiques, révèle en réalité un clivage grandissant. L’absence d’une déclaration conjointe et ferme sur l’Ukraine envoie un signal contrasté au monde, mais surtout à Kiev. Les Ukrainiens, en lutte depuis des années pour leur souveraineté, espéraient un appui clair : ils ne recevront qu’un soutien implicite et décousu.
À La Réunion, où l’on connaît bien les effets de l’isolement géographique, on peut comprendre l’importance du soutien international dans les situations de crise. Pour l’Ukraine, encerclée, bombardée, divisée, chaque signe d’unité venant de l’Occident est un pilier psychologique aussi important que les livraisons d’armes. Or, en affichant leurs désaccords, les membres du G7 fragilisent leur propre image.
Cette cacophonie affaiblit la parole occidentale. Comment imposer des sanctions cohérentes ou mener des négociations diplomatiques si l’un des membres du groupe conteste ouvertement la stratégie commune ? La Russie ne s’y est pas trompée : Moscou se frotte les mains devant cette fracture. Dans une partie d’échecs où la moindre faille est exploitée, la désunion du G7 est un avantage stratégique pour le Kremlin.
Et maintenant, quel avenir pour Kyiv et pour le G7 ?
La question que tout le monde se pose désormais est simple : l’Ukraine peut-elle encore compter sur ses alliés ? Le soutien militaire et financier existe toujours, mais le climat politique fragile l’intensité de cet engagement. Une déclaration forte a souvent plus de poids qu’une aide dispersée, car elle crée un récit commun – une direction claire. Quand cet élan disparaît, chacun peut être tenté de prioriser ses propres intérêts à court terme.
Cette tension au G7 traduit une recomposition profonde des alliances traditionnelles. Ce qui semblait acquis hier – une solidarité automatique entre États démocratiques – ne l’est plus. L’élection de Trump, ou tout du moins sa posture imprévisible, met en péril une certaine idée de l’Occident uni face aux régimes autoritaires.
De leur côté, les pays européens, le Japon et le Canada devront peut-être tracer leur propre voie, en créant une coalition resserrée et volontaire, capable de maintenir un cap clair, avec ou sans la Maison-Blanche. Ce serait un G7 bis, un "G6", renforcé dans sa détermination et son autonomie stratégique.
L’Histoire nous apprend que les grands enjeux géopolitiques forgent les alliances les plus durables. La Seconde Guerre mondiale l’a prouvé. Aujourd’hui, l’Ukraine rejoue ce rôle de catalyseur. Elle oblige les démocraties à regarder leur propre cohésion. Soit elles réaffirment leur pouvoir collectif, soit elles laissent le champ libre à ceux qui rêvent de leur affaiblissement.
Ce sommet du G7 agit comme un miroir tendu à l’Occident. Loin de l’image d’un bloc solide et résolu, il reflète une réalité plus trouble, faite de calculs politiques, d’ambiguïtés diplomatiques et d’une perte de repères stratégiques. L’Ukraine, elle, reste en première ligne, avec moins de certitudes que jamais. Ce moment de flottement pourrait bien marquer un tournant : soit le sursaut collectif s’organise, soit la division s’installe durablement. Dans ce jeu dangereux, c’est toute l’idée de solidarité internationale qui vacille.

