Une escale, une île, une vitrine ouverte sur le monde
Imaginez une ville flottante, surgissant à l’horizon au petit matin, comme un mirage d’acier et de lumière. Ce vendredi 23 mai 2025, le port de La Réunion a vu apparaître l’Aida Stella, un majestueux paquebot de croisière, échappé des eaux turquoise de l’île Maurice. À son bord, quelque 2 800 passagers venus d’horizons divers, curieux de découvrir notre île, soutenus par plus de 660 membres d’équipage. Une escale certes brève – vingt-quatre heures, pas plus – mais une promesse de rencontres, de sourires échangés et d’émerveillement partagé.
À l’instar d’un battement de cœur qui fait circuler l'énergie dans tout un corps, ce passage de l’Aida Stella est un souffle pour notre économie locale. Boutiques, restaurants, guides touristiques, artisans… ils vivent tous, ponctuellement mais intensément, au rythme de ces escales. Pour certains, ça signifie un coup de pouce bienvenu ; pour d'autres, c'est une vitrine offerte au monde entier. Pensez à l’artisan de L’Étang-Salé qui vend ses sculptures en basalte aux passagers émerveillés. Ou au food truck dionysien qui voit son chiffre d'affaires doubler en une matinée. Derrière cette immense coque flottante, il y a des histoires humaines qui se tissent.
Le tourisme de croisière : un levier discret mais puissant
Le tourisme de croisière reste parfois perçu comme une activité lointaine, presque anecdotique. Et pourtant, il s'agit d'une dynamique stratégique pour des territoires insulaires comme le nôtre. L’océan Indien devient progressivement un terrain de jeu attirant pour les compagnies maritimes, cherchant à diversifier leurs itinéraires. Entre les côtes africaines, les perles mauriciennes et les reliefs réunionnais, la promesse exotique d'une croisière prend ici un sens profond.
L’arrivée de l’Aida Stella n’est pas une simple étape. C’est le symbole d’un ancrage touristique fort, où La Réunion joue la carte de l’authenticité face aux escales parfois stéréotypées des circuits de croisières. Là où certaines destinations misent tout sur les plages de carte postale, nous avons une carte unique à jouer : notre nature spectaculaire, notre métissage culturel, notre art de vivre. Pour que cette expérience devienne inoubliable aux yeux d’un touriste allemand ou italien, tout commence dès sa descente à quai, avec un sourire, une coutume, une senteur de vanille.
Alors, cela soulève la question : et si le Port de La Réunion devenait un acteur majeur dans l’univers très codifié des escales maritimes touristiques ? Cela demande de l’infrastructure, bien sûr. Mais aussi – et surtout – une vision. Une stratégie claire, partagée, menée de concert par les acteurs publics et privés. Car au fond, il ne s'agit pas seulement d’accueillir un bateau. Il s’agit d’accueillir le monde entier, quelques heures, entre nos bras.
L’effet papillon d’une escale
Beaucoup l’ignorent, mais ce type d’escale peut provoquer un véritable effet papillon économique, culturel et humain. Les passagers venus découvrir notre île pour une journée peuvent en tomber amoureux et revenir… pour une semaine, un mois, voire une vie. Et parfois, en rentrant chez eux, ils parlent de nous. Ils partagent leurs photos, leurs coups de cœur – une randonnée au Maïdo, un cari bichique dévoré sur le marché de Saint-Paul, un moringue improvisé dans la rue. Chaque cliché est une carte de visite de notre île envoyée au monde.
Prenez Florence et Johan, couple de retraités suédois. Ils avaient découvert La Réunion lors d’une escale en 2022. Trois ans plus tard, ils y reviennent, non plus pour quelques heures, mais pour un mois complet dans un gîte à la Plaine-des-Palmistes. Ce sont ces retours, presque invisibles à court terme, qui forment l’impact réel du tourisme de croisière.
Cette réalité invite à la réflexion : et nous, Réunionnaises et Réunionnais, comment pouvons-nous améliorer cette expérience ? Chaque habitant, commerçant, ou acteur culturel peut devenir, d’une certaine façon, un ambassadeur de l’île. Le tourisme de croisière, pour peu qu’on s’en saisisse, peut aussi devenir un pont entre cultures, un levier d’orgueil et de fierté pour ceux qui font vivre La Réunion au quotidien.
L’escale de l’Aida Stella, même courte, est bien plus qu’un simple arrêt dans un port. Elle est une fenêtre ouverte sur La Réunion. Elle prouve que notre île séduit, intrigue, attire. Sous les reflets d’acier et les sourires de touristes, il y a surtout une opportunité de regard nouveau sur nous-mêmes. Un miroir flottant où se reflète la générosité de notre peuple, la beauté de nos paysages et la richesse silencieuse de notre culture. Que cette visite vous inspire, vous questionne : seriez-vous prêts à accueillir le monde… dans votre quartier ? Votre boutique ? Votre jardin ?

