La Réunion se mobilise contre l’illettrisme : une urgence éducative
Le 19 novembre 2024, La Réunion a accueilli un événement de première importance autour d’un enjeu souvent ignoré, mais pourtant crucial : la lutte contre l’illettrisme. Organisé au parc technologique universitaire de Saint-Denis, ce séminaire a vu converger les forces vives de l’île — collectivité locale, services de l’État et acteurs de la formation — avec un seul et même objectif : trouver des solutions concrètes pour combattre cette réalité qui bouleverse le quotidien de nombreux Réunionnais.
Loin d’être une simple réunion entre experts, cette rencontre est le reflet d’une mobilisation plus large, d’une prise de conscience collective que l’illettrisme sur l’île constitue une véritable entrave au développement économique et social. Mais au-delà des chiffres, que signifie vraiment ne pas savoir lire et écrire ? Et surtout, comment La Réunion peut-elle transformer cette situation pour offrir à chacun la clé de l’autonomie ?
L’illettrisme, une question d’accès à la dignité
S’il est facile de penser que dans un pays moderne comme la France, lire et écrire est une compétence universelle, la réalité à La Réunion est tout autre. Selon certaines études, près d’un adulte sur cinq sur l’île rencontre des difficultés majeures à lire ou à comprendre un texte du quotidien. Cela signifie que pour de nombreuses personnes, une tâche aussi simple que lire une notice de médicament, remplir un formulaire ou envoyer un email devient un obstacle insurmontable.
Imaginez un instant faire face à cette situation. Vous recevez une convocation pour un rendez-vous important, mais les mots semblent vous glisser entre les doigts, inaccessibles, mystérieux. Le monde devient alors une série d’énigmes non résolues, où chaque démarche administrative ou recherche d’emploi est semée d’embûches. L’illettrisme, c’est aussi cela : une privation silencieuse de droits pourtant fondamentaux. Être incapable de lire, c’est se voir refuser un bout de cette autonomie que beaucoup prennent pour acquise.
Et ce n’est pas une question d’intelligence, loin de là. Le contexte social, la précarité, le manque de moyens éducatifs, voire des difficultés personnelles non traitées dès l’enfance, sont autant de facteurs qui expliquent ce phénomène. À La Réunion, ces réalités sont exacerbées par une situation géographique et économique qui rend parfois difficile l’accès à une éducation de qualité. C’est donc toute une question de dignité qui se joue ici.
Des solutions à portée de main : agir ensemble pour un avenir meilleur
Le séminaire du 19 novembre s’inscrit dans une dynamique plus large de solidarité collective. Il ne s’agit pas simplement de diagnostiqués les problèmes, mais de concevoir des actions concrètes et coordonnées. Parmi les pistes de réflexion évoquées, renforcer les formations pour adultes semble être l’une des priorités. Car la priorité aujourd’hui, c’est d’offrir à tous — jeunes comme moins jeunes — une deuxième chance de renouer avec l’écrit.
Plus encore, les collectivités locales, en partenariat avec les services de l’État, insistent sur la nécessité de favoriser les projets de proximité. Les structures de formation doivent s’adapter à la diversité des publics : mettre en place des ateliers dans les quartiers, intégrer les associations locales dans les initiatives, ouvrir des antennes pédagogiques même dans les zones les plus reculées. C’est un véritable travail de terrain qui s’annonce, et il nécessitera l’implication de tous.
En parallèle, la sensibilisation des plus jeunes est également cruciale. En intervenant dès le plus jeune âge, les acteurs de l’éducation espèrent prévenir l’illettrisme en amont, plutôt que de devoir en traiter les conséquences. Des programmes périscolaires, des initiatives ludiques pour aborder autrement la lecture et l’écriture, tout doit être mis en œuvre pour que chaque enfant, dès son plus jeune âge, ait une relation positive avec l’apprentissage.
Le succès de cette lutte passe aussi par un changement de mentalité. Il est temps de briser les tabous, de faire tomber les étiquettes souvent associées à l’illettrisme. Reconnaître le problème est déjà un premier pas vers sa résolution. Car, en vérité, tous peuvent contribuer à cette bataille culturelle : parents, enseignants, employeurs, habitants, chacun a un rôle à jouer.
En fin de compte, ce séminaire nous rappelle que l'illettrisme à La Réunion est bien plus qu’une simple donnée statistique : c’est une réalité vécue au quotidien par de trop nombreux Réunionnais. Si des solutions existent et que la volonté de les mettre en œuvre est réelle, la participation de tous est indispensable. La lutte contre l’illettrisme n’est pas l’affaire d’une poignée de spécialistes, mais celle de toute une société soudée autour de la conviction que lire et écrire, c’est aussi tenir les clés de son propre destin.

