Une solidarité à taille humaine dans l’isolement de Mafate
Dans une île aussi contrastée que La Réunion, où coexistent le tumulte des zones urbaines et la sérénité des cirques montagneux, il est des gestes silencieux mais puissants qui réconcilient les territoires et les cœurs. L’un de ces gestes a eu lieu récemment, dans l’îlet des Lataniers, au fond du cirque isolé de Mafate.
Imaginez ce décor : des montagnes sculptées par le temps, des sentiers escarpés qui serpentent entre les ravines… et au milieu, une poignée de familles vivant avec dignité malgré des conditions parfois précaires. Ce lieu, inaccessible autrement qu’à pied ou par hélicoptère, est souvent oublié des radars de l'action publique. Pourtant, le CCAS de Saint-Paul a choisi de s’y rendre : à la force des jambes et du cœur, pour y apporter 30 colis alimentaires et surtout, une présence sociale humaine et bienveillante.
Ce n’est pas la première fois que le centre communal agit. Depuis décembre, ses agents multiplient les descentes sur le terrain, chaque fois avec plus de détermination. Mais cette récente initiative avait quelque chose d’encore plus fort. Plus qu’une distribution alimentaire, c’était une main tendue, une promesse non dite : « Vous n’êtes pas seuls. »
Tisser du lien social, même au bout des sentiers
Dans un monde où l’on parle trop souvent d’inégalités sans y toucher du doigt, il faut parfois monter à Mafate pour comprendre ce que signifie vraiment l’enclavement. Vivre là-bas, c’est accepter l’éloignement des services essentiels, des supermarchés, des soins. Et pourtant, des familles y tiennent bon, entre traditions, débrouillardise et solidarité de voisinage.
L’action menée par le CCAS ne s’est pas limitée à des denrées. Elle a aussi permis d’ouvrir une permanence sociale dans l’îlet des Lataniers. Pour les habitants, cela veut dire pouvoir parler, expliquer, être entendus. Un homme raconte les difficultés à scolariser son fils quand il faut descendre trois heures jusqu’à l’école la plus proche. Une femme évoque les dépenses exorbitantes liées aux soins médicaux, amplifiées par l’éloignement.
Ces heures d’écoute ne sont pas anodines. Elles rappellent que l’action sociale ne se fait pas toujours derrière un bureau, mais parfois sous le soleil, le long de sentiers caillouteux, ou devant un café partagé sur un banc de bois. Ainsi naît un lien sincère, une compréhension mutuelle que même les programmes sociaux les plus élaborés auraient du mal à reproduire.
Le vrai défi, c’est redonner une voix aux invisibles, leur dire qu’ils comptent autant que ceux des villes. Et dans cet engagement du CCAS, on sent cette volonté de faire plus qu’informer : accompagner profondément.
Combattre l’isolement par la présence et la régularité
Au-delà de l’aide ponctuelle, c’est la régularité de ces rendez-vous qui construit la confiance. Car ce que les habitants des Lataniers attendent, ce n’est pas seulement un colis de sardines et de riz, mais une politique de présence.
C’est un peu comme un feu qu’on entretient en montagne : il suffit d’un souffle pour qu'il s’éteigne. Sans régularité dans les visites, dans l’écoute, dans le suivi, l’espoir aussi peut s’éteindre. D’où l’importance de ces opérations récurrentes, qui, lentement mais sûrement, réintroduisent l’État social dans ses zones blanches.
Cela pose aussi une interrogation plus vaste, que beaucoup d’entre nous devraient entendre : comment faire en sorte que tous les Réunionnais, qu’ils vivent à Saint-Denis ou à Roche Plate, aient accès aux mêmes droits, à la même dignité ? Comment faire en sorte que l’éloignement géographique ne devienne pas un éloignement politique ou humain ?
Les réponses ne sont pas toujours simples. Mais une chose est certaine : elles commencent souvent par des gestes simples et sincères. Apporter un colis, oui. Mais surtout, s’asseoir, parler, écouter et revenir.
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Ce que le CCAS de Saint-Paul a accompli à Mafate est plus grand qu’une action caritative : c’est une affirmation puissante que la solidarité n’a pas de frontières, ni géographiques, ni sociales. C’est un appel à faire mieux ailleurs, à ne plus détourner le regard. Grâce à ces tournées de terrain, ce sont 30 familles qui ont reçu bien plus que de la nourriture : elles ont reçu de l’espoir, de l’attention, de la considération. Dans notre monde fatigué de l’indifférence, que ce soit là une preuve inspirante qu’il existe encore des mains tendues, jusque dans les recoins les plus escarpés de notre île.

